Harris & Harbo spécialistes des abeilles SMR
Adulte varroa se nourrissant de l'hémolymphe Scott BAUER (K8541-13)
photo extraite de Agricultural Research, octobre 2005, p. 8-9
Evaluation du SMR
Harbo, J.R. et J.W. Harris - Cellules infestées par varroa qui ne sont pas enlevées par les abeilles avec
« Varroa-Sensitive Hygiène »
On peut expliquer le caractère de résistance aux acariens appelé la « suppression of mite reproduction »
(SMR) par une forme de comportement hygiénique que nous appelons le "Varroa Sensitive Hygiene" (VSH).
Avec le VSH, les abeilles adultes enlèvent les nymphes abeilles ouvrieres des cellules de couvain infestées
avec Varroa destructor.
Les objectifs étaient :
(1) de définir quelles cellules de couvain sont enlevées par les abeilles et lesquelles ne le sont pas
(2) de décrire la manière la plus efficace de mesurer ce VSH.
Nous avons produit 35 colonies qui variaient de 0 à 100 % dans l'expression du VSH (voir la
figure)(phénotype). La distribution continue dans la figure suggère que la plupart, si ce n'est tous les gènes
codant pour le VSH sont additifs, différant en cela des gènes récessifs qui commandent l'hygiène pour la
résistance à la loque américaine (Rothenbuhler, 1964, Am. Zool. 4:111-123).
Nous avons mesuré l'enlèvement des cellules infestées et la fréquence des acariens non reproducteurs dans
toutes les colonies. Une augmentation du taux d'enlèvement des cellules infestées était fortement liée à une
diminution de toutes les catégories des acariens reproducteurs, même les acariens qui avaient produit des
oeufs trop tard pour donner une descendance. Cependant, les taux d'enlèvement n'étaient pas été liés au
nombre d'acariens qui n'ont produit aucune progéniture. Cet enlèvement sélectif des acariens ayant pondu
crée une augmentation de la proportion d'acariens qui ne pondent pas du tout. Par conséquent, la manière la
plus simple de mesurer le VSH est de mesurer la fréquence des acariens qui ne pondent aucun oeuf.
Par exemple (figure ci-dessus), on retrouve typiquement une population des varroas qui entrent dans les
cellules d'ouvrières mais ne pondent pas d'oeufs. La fréquence moyenne de ces acariens non reproducteurs
est d'environ 12%. Si l'on examine les cellules d'ouvrières qui ont plus de 7 jours d'operculation dans une
colonie et que l'on trouve 12% des acariens sans oeufs c'est qu'elle a eu peu ou pas d'enlèvement des cellules
infestées et n'a donc probablement aucun des gènes qui expriment le VSH. Quand 45, 70, ou 100 % des
cellules infestées ont des acariens qui n'ont pondu aucun oeuf, la colonie a environ 50, 75 ou 100%,
respectivement, des gènes qui expriment VSH.
Harris, J.W. et J.R. Harbo - Des abeilles possédant le VSH exécutent l'hygiène sur des nymphes infestée de
varroa - nymphes âgées de 4 à 7 jours d'operculation.
Des abeilles élevées pour des pourcentages élevés de varroas non reproducteurs enlèvent hygiéniquement les
acariens avec la nymphe de ces cellules de couvain operculées. Ce comportement est une forme de l'hygiène
varroa-sensible (VSH). L'objectif de cette expérience était de déterminer si les abeilles VSH répondent
également aux nymphes infestées de différents âges.
Du couvain d'ouvrière infesté de varroas a été placé dans le centre du nid à couvain de chacune de 12
colonies (6 VSH et 6 contrôles) pendant 40 heures. On a déterminé le taux d'infestation avant et après la
période d'essai en examinant 235-300 cellules de couvain operculé. Pour calculer le taux d'enlèvement des
nymphes infestées de varroa de chaque rayon, on a comparé le rapport du nombre de nymphes infestées au
nombre de nymphes non infestées entre les taux d'infestation initial et final. Des taux d'enlèvement ont été
également estimés pour chacun de 3 groupes d'âge de mutuellement exclusif des nymphes (Tableau). Les
groupes ont été définies par la couleur des corps (pattes et ailes) et la pigmentation des yeux qui sont
associées à différentes périodes au cours de la métamorphose des abeilles ouvrières (Jay, 1962, Bee World,
43:119122). Le taux final d'infestation pour chaque groupe a été déterminé en prélevant des nymphes avec
des caractéristiques morphologiques prévues après 40 heures de développement à partir de l'âge initial. Tous
les taux d'enlèvement ont été comparés entre les stocks et lignées d'abeilles en utilisant une analyse de la
variance au type d'abeille comme effet et source des rayons infestés, source fixe des abeilles, et interaction de
ces deux facteurs en autant d'effets aléatoires.
Les rayons placés dans les colonies contrôles avaient une diminution de 11±24 % (moyenne ± écart-type) en
nombre de nymphes varroa-infestées pour tous les âges, alors que ceux placés dans les colonies des abeilles
VSH avaient une réduction de 53±21% (P=0.0072). Les abeilles VSH enlèvent sensiblement plus de nymphes
infestées de varroa des groupes I (P=0.041) et II (P=0.028) que celles des contrôles (Tableau). Les deux types
d'abeilles n'ont pas différé dans des taux d'enlèvement pour la groupe III (P=0.785). Ces résultats suggèrent
que les nymphes hôtes infestées par varroa dans les groupes I et II avaient un stimulus (ou des stimulus) qui
provoque l'enlèvement hygiénique de l'hôte, alors que les hôtes du groupe III ou bien ne possèdent pas ce
même stimulus, ou bien ils ont d'autres stimulus qui empêchent l'enlèvement hygiénique des hôtes infestés. Le
stimulus déclenchant l'hygiène varroa-sensible peut être lié au « début de la ponte des varroas » ou à
« l'apparition de la progéniture » de l'acarien dans la cellule de couvain, qui correspondent aux étapes
nymphales dans les groupes I et II (Martin, 1994, Exp & Appl Acarol 18: 87-100).
Tableau : les changements en nombre des nymphes varroa-infestées selon différents groupes d'âge après
l'operculation des rayons de couvain qui ont été placés dans deux types différents de colonies pendant 40
heures. Les abeilles VSH ont causé à une réduction sensiblement plus grande du nombre de cellules varroa-
infestées pour les groupes I et II par rapport aux contrôles. On n'a observé aucune différence significative dans
la réduction des cellules varroa-infestées pour le groupe III entre les deux types d'abeilles.
Harbo, J.R. & J.W. Harris - Nombre de gènes impliqués dans le caractère SMR.
On explique le caractère SMR (supprime la reproduction des varroas) par l'élimination hygiénique des varroas
reproducteurs (voir les autres résumés). Ce rapport-ci décrit ce à quoi un sélectionneur peut s'attendre lors de
croisement et de combinaisons avec des abeilles avec ce caractère.
Pour évaluer le nombre de gènes impliqués, nous avons étudié 28 gamètes (les mâles sont des gamètes
produits par leur mère) produits par une reine qui était hétérozygote pour le trait.
Explication : par exemple, si un seul gène est impliqué dans le trait de SMR, la moitié des mâles environ (ici :
14) d'une reine hétérozygote aurait l'allèle SMR et 14 ne l'auraient pas . S'il y avait deux gènes impliqués,
environ 7 mâles n'auraient aucun allèle SMR, 14 en auraient un, et 7 en auraient deux. À mesure que le
nombre de gènes augmente, nous attendons très peu de mâles avec aucun de ces gènes et très peu avec tous
les allèles possibles (le nombre de bourdons avec aucun ou tous devrait être quasi égal).
Pour le test sur le terrain, nous avons inséminé 28 reines avec le sperme de ces 28 mâles (chacune inséminée
avec un seul mâle). D'après nous, ces reines étaient homozygotes pour le caractère SMR (100 % des allèles
SMR). Ces reines ont été installées dans 28 colonies et nous avons mesuré la reproduction des varroas après
que les reines aient pondu pendant 8 semaines. Nous avons calculé le pourcentage des acariens non
reproducteurs dans chaque colonie en étudiant 30 cellules d'ouvrières infestées de varroas. Cellules de 17-19
jours de la ponte - 8-10 jours depuis l'operculation.
Les résultats suggèrent qu'il pourrait y avoir deux gènes impliqués dans le caractère SMR (voir la figure) et que
les allèles pourraient être additifs. Cependant, n'oublions pas que deux gènes n'est qu'une hypothèse de travail
et une simple estimation. Le cas le plus en accord avec deux gènes donnerait la distribution de 1:2:1. C'est-à-
dire qu'on devrait retrouver environ ¼ des colonies avec 100 % d'expression du caractère, environ ¼ devraient
être assez démunies et le reste devraient se retrouver entre les deux. C'est bien ce que l'on trouve en effet..
Figure. % Fréquence des varroas non-reproductifs dans 28 colonies d'essai (barres blanches). Les barres
noires représentent une distribution théorique de 28 colonies s'il y a : 2 gènes impliqués, aucune variation des
colonies et aucune erreur de mesure. A part pour le ¼ des colonies à l'idéal non-reproductif 100%, les autres
deux fréquences prévues (barres noires 7 et 14) ne correspondent à rien de prévu et ont été subjectivement
placées pour fournir le meilleur ajustement.
Harris, J.W. & J.R. Harbo - On explique le caractère SMR : c'est un comportement hygiénique des abeilles
adultes.
Nous avons multiplié des abeilles résistantes à varroa en sélectionnant des colonies avec de faibles
pourcentages de varroas reproducteurs (Harbo et Harris, 2001, J Econ Entomol 94 : 1319-1323). Nous avons
appelé le caractère causant cet effet "suppression of mite reproduction" (SMR) parce qu'à l'époque, nous
pensions que les abeilles étaient capable d'augmenter l'infertilité des varroas (Harris et Harbo, 2000, Apidologie
31 : 689-699). Ibrahim et Spivak (2004, ABJ 144 : 406) ont constaté que, sans y avoir été sélectionnées, ces
abeilles SMR étaient hygiéniques et pouvaient enlever les nymphes infestées de varroa des cellules de
couvain operculé. Ils ont proposé que les abeilles SMR puissent sélectivement enlever des nymphes infestées
par des varroas reproducteurs.
Nous avons travaillé cette hypothèse en transférant des rayons avec du couvain d'ouvrière naturellement
infesté et récemment operculé à partir de 7 colonies « source » dans des colonies contrôles et des colonies
SMR. Quelques semaines avant l'essai, les rayons des colonies « source » avaient une infestation moyenne de
12 ± 8 varroas par 100 cellules d'ouvrière operculées et 71 ± 18 % de ces varroas de type « reproductif »
(moyenne ± écart-type). Au moins un rayon de chaque source a été transféré dans chaque type de
destinataire. Immédiatement avant ce test, les colonies contrôles avaient 80 ± 10 % d'acariens reproductifs,
alors que les colonies SMR n'avaient que 13 ± 6 % des varroas reproductifs.
On a mesuré le taux d'infestation et le pourcentage des varroas reproductifs sur 17 rayons transférés après 7-9
jours dans les colonies d'accueil.
Nous avons défini trois types de succès reproductif pour les varroas :
1) les acariens reproductifs ont produit une fille adulte (y compris les filles non fécondées) avant que l'abeille
hôte n'ait émergé,
2) les acariens avec progéniture non viable peuvent avoir produit des filles, mais aucune fille n'était mûre avant
que l'abeille hôte n'ait émergé,
3) les acariens non-reproductifs n'ont pas pondu d'oeufs.
Nous avons trouvé moins de varroas dans les rayons donnés aux colonies SMR que dans les rayons donnés
aux contrôles (Tableau). Ceci suggère que les abeilles de SMR auraient enlevé hygiéniquement les nymphes
infestées. Les rayons exposés aux abeilles SMR avaient >90% moins de nymphes avec des varroas
reproducteurs. On y a retrouvé également 58% de moins de nymphes avec des acariens qui avaient une
progéniture non viable. Le nombre de varroas non-reproductifs était égal dans les deux groupes, ce qui
suggère que les abeilles SMR n'ont pas enlevé les acariens qui n'ont pas pondu d'oeufs.
Tableau : comparaison des varroas de rayons de couvain qui ont été transférés dans des colonies contrôles et
des colonies SMR. Des cellules nouvellement operculées de couvain naturellement infesté ont été transférées,
et le succès reproducteur des varroas a été évalué 7-9 jours plus tard en examinant des cellules contenant les
nymphes qui étaient à 3 jours de l'émergence.
Ibrahim, A. & M. Spivak - Dans quelle mesure le caractère SMR est-il du à comportement hygiénique ?
La suppression de la reproduction des acariens (SMR) est un mécanisme important et héritable de résistance
de l'abeille contre Varroa destructor (Harbo & Harris, 1999 J Econ Entomol 90:893-897). On ne sait pas encore
comment les abeilles suppriment le succès reproductif des varroas. En 2002, nous avions noté que les
colonies de la lignée SMR élevée par J. Harbo (USDA Baton Rouge) montraient également le comportement
hygiénique (HYG). Nos expériences préliminaires ont exploré le rapport entre ces deux caractères (Ibrahim &
Spivak, 2004 Am Bee J 144:405-406).
Ici, en utilisant différentes méthodes, nous nous sommes posés les mêmes questions :
(1) est-ce que les abeilles élevées pour la suppression de la reproduction d'acariens (SMR) détectent et
enlèvent les nymphes infestées par les varroas ?
(2) si oui, les abeilles SMR enlèvent-elles préférentiellement des nymphes infestées avec les acariens
reproductifs laissant les nymphes avec les acariens non-reproductifs ?
(3) quel est le succès reproductif des acariens des colonies de SMR si l'on ne permet pas aux abeilles de
nettoyer le couvain infesté ?
Pour chaque question, nous avons comparé des colonies des lignées SMR et HYG.
Nous avons récolté des varroas dans une colonie SMR infestée et dans une colonie HYG, et nous les avons
introduits dans les cellules récemment operculées de couvain d'ouvrière et cela dans 3 colonies SMR et HYG
sans varroa ; chacune des colonies réceptives a reçu 40 varroas de chacune des deux colonies « source ». La
source d'acariens n'a eu aucun effet sur la proportion de nymphes infestées enlevées par l'une ou l'autre lignée
d'abeilles. Cependant, les colonies SMR ont enlevé sensiblement plus de nymphes infestées d'acariens que
les colonies HYG (82.3 % ± 10.8 contre 63.7 % ± 8.5, respectivement ; P < 0.001 ; Procédure Survfit, R du
Logiciel Statistique, 2004).
On a testé le succès reproducteur des acariens qui n'ont pas été enlevés par les abeilles. Des 241 acariens
présentés dans les 3 colonies SMR, il n'en reste que 27. De ces derniers, 17 (63%) avaient pondu, mais un
seul (3.7%) s'était reproduit avec succès, défini par la présence d'une progéniture féminine adulte sur une
nymphe avec les garnitures d'aile grises (Martin, 1994, Exp & Appl Acarol 18:87-100). En revanche, des 82
acariens restants dans les colonies HYG, 70 (85%) étaient fertiles et 22 (26.8%) ont produit une progéniture
féminine adulte (fertilité : type d'abeille P = 0.014 ; type d' acariens P = 0.293 ; Progéniture viable : type
d'abeille P = 0.03, source d'acariens P = 0.25 rapport de Notation-probabilité, SAS)
Pour déterminer si le couvain d'abeille peut affecter le succès reproducteur des acariens, nous avons répété
l'expérience ci-dessus, mais avons placé les nymphes infestées dans un incubateur (34°C, HR 50%) jusqu'à ce
qu'elles aient atteint l'étape de « garniture d'aile grise ». Les acariens rassemblés des deux colonies « sources
» ont eu la fertilité sensiblement inférieure sur le couvain SMR (146 de 225 = 65% de ponte) comparée au
couvain HYG (178 de 230, 77%) (type d'abeille P=0.003; type d'acariens P=0.126), et produit sensiblement peu
de progéniture féminine viable sur la couvain SMR (5 de 225, soit 2.2%) que sur la couvain HYG (26 de 230,
soit 11.3%) (type d'abeille : P < 0.001 ; type d'acariens P=0.344)
En résumé, les abeilles élevées pour leur SMR détectent et enlèvent les nymphes infestées par un acarien, et
tendent à enlever ces nymphes infestées avec les acariens « reproducteurs », laissant des nymphes infestées
par des acariens qui ont un faible succès reproducteur. Les colonies SMR enlèvent plus de nymphes infestées
et sont plus sélectives au sujet d'enlever des nymphes avec les acariens reproducteurs que ne sont les
colonies HYG. En plus de cet effet important dû aux abeilles adultes, il semble qu'il y ait un effet physiologique
du couvain d'origine SMR sur la reproduction des acariens parce que les acariens ont eu, de manière
significative, moins de succès reproducteur sur la couvain SMR comparée au couvain HYG. Les acariens qui
se développent sur plusieurs générations avec le couvain SMR en viennent à avoir réduit leur potentiel
reproducteur dû à la combinaison de l'élimination sélective des acariens reproducteurs par les abeilles adultes
et de l'effet du couvain qui limite la reproduction des acariens d'une manière que l'on ne connaît pas encore.
Rédaction : Renaud LAVENDHOMME
Traduction : Renaud LAVENDHOMME & Jean-Marie VAN DYCK
Mise en page : Bernard LECLERCQ avec l’accord du rédacteur et des traducteurs